Sécuriser l’approvisionnement de métaux stratégiques : nouveau défi pour l’UE et la France
Les événements de ces dernières années ont permis de voir la très forte dépendance des pays vis-à -vis de la Chine ou de l’Inde en ce qui concerne les matières premières. Nombreux sont les pays qui ont su voir le filon que constituent leurs ressources pour d’autres pays. A l’inverse, il a été très souvent considéré comme plus simple et plus économique pour les pays utilisateurs de ces matières premières de s’approvisionner ailleurs que sur leurs propres territoires et, ce, même lorsqu’ils disposent des mêmes ressources en quantité suffisantes.
Contraintes administratives, coût de la main d'œuvre, normes écologiques, de nombreux facteurs expliquent le fait que certaines ressources ne soient pas exploitées sur le territoire français ou européen, les poussant ainsi à s’approvisionner ailleurs. Un modèle qui se confirme comme dangereux en cas de conflit géopolitique, de forte demande ou d’arrêt de production pour raisons sanitaires par exemple.
Fort de ce constat, la France, mais aussi l’Europe, ont décidé de mettre en place une politique volontariste dans le but de réduire la dépendance aux importations de métaux. Pour ce faire, il a été décidé de développer une production locale, mais également d’une amélioration du recyclage pour compléter la demande.
Allier exploitation et respect de l’environnement : un enjeu de taille
L'industrie évolue, l’avènement des récentes technologies (solaire, informatique, véhicules électriques, etc..) a considérablement augmenté la demande de certains métaux tels que le nickel, le lithium ou le cuivre. Dans un récent rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales (Philippe Varin, 2022) le constat est alarmant : 100% des besoins en métaux stratégiques est importé par la France. Une dépendance totale aux autres pays qui met en danger les industries de l’hexagone en cas de pénurie ou d’autre incident qui pourrait couper les approvisionnements.
En UE, en 2023, il n’y a que 3% des métaux rares qui viennent des mines européennes. Dans son plan stratégique, l’UE envisage de porter ce chiffre à 10% d’ici à 2030, un défi de taille car il s’agit en parallèle, de rester dans les clous en matière de transition écologique et numérique. Ouvrir une mine prend du temps, environ 5 ans, et avant que cette mine puisse ouvrir, il faut qu’elle remplisse toutes les conditions écologiques et environnementales. L'Europe cherche donc à réduire ces délais tout en restant, là encore, en accord avec la protection de la biodiversité et de l’environnement. Autre exemple, en Suède, un gisement de terre rare a été découvert par le groupe minier KLAB, une ressource d’un million de tonnes indispensable pour la transition énergétique. Pour commencer à exploiter ces ressources, il faudrait environ 10 à 15 ans de travaux selon KLAB, un délai énorme quand on sait que 98% des terres rares sont à l’heure actuelle importées de Chine.
Pour les 27 il s’agit d’agir vite. Récemment encore, la Chine a menacé de fermer les robinets en freinant les exportations de certains métaux stratégiques tels que le gallium et le germanium, des métaux que l’on retrouve dans les circuits intégrés, les panneaux solaires ou encore les LED et les fibres optiques, de quoi affoler les industriels qui craignent des ruptures de production liées à ces futures restrictions. La guerre commerciale entre la Chine et les USA met l’Europe dans la tourmente, tant sa dépendance à ces deux puissances est importante.
La dépendance en ressources est inquiétante envers les pays concernés, que ce soient la Chine, les USA ou encore l’Australie pour le lithium et la République Démocratique du Congo pour le cobalt (dont les mines appartiennent pour tout ou partie à la Chine). Cette poignée de pays dominent le marché et constituent une menace pour les industries de nombreux autres pays industriels.
Se tourner vers les fonds marins : un sujet polémique
Sur l’ensemble des projets d’exploitation de ressources, la majorité des investissements sont engagés par la Chine. Plus alarmant encore, les énergies propres pourraient être détenue à 60% par l’Empire du Milieu si la tendance persiste, rendant ainsi les industries concernées très vulnérables. Autre problématique de taille : de très nombreux investissements sont mis en place pour exploiter les fonds marins, notamment les abysses. Une idée qui peut paraître logique sur le papier, tant les fonds marins sont méconnus et regorgent de ressources, mais les dégâts environnementaux pourraient s’avérer colossaux et nombre de projets sont avortés ou repoussés. Cependant des pays dominants dans les métaux stratégiques se tournent vers leurs eaux territoriales plutôt que vers la haute mer faisant valoir leur souveraineté nationale pour exploiter plus librement les ressources.
La faune sous marine est très fragile, surtout en profondeur, avec des sédiments précieux, des espèces uniques et un environnement préservé de l’homme (aucune lumière, froid, forte pression…). Des éléments tels les nodules polymétalliques nécessitent de ratisser des kilomètres de fonds marins, un risque énorme pour la biodiversité dont beaucoup se demandent comment pourraient faire les exploitants pour parvenir à leurs fins sans sortir des restrictions environnementales… là encore, des pays dominants en la matière seront sans doute moins regardants pour persister dans leur course à la première place d’exportateur de métaux stratégiques.
Recyclage et mines urbaines
Dernier élément important pour permettre de diminuer la dépendance sur les métaux stratégiques : exploiter les ressources disponibles. Cela passe donc par le recyclage : par exemple, dans une tonne de téléphones portables jetée on trouve un kilo d’un métal appelé tantale réputé pour sa puissante résistance à la corrosion et aux acides. On le trouve dans la majorité des appareils électroniques du quotidien. Des start-up se sont lancées pour récupérer ces métaux précieux auxquels on ne pense plus une fois que leur support est jeté. Un téléphone portable contient près de 60 éléments métalliques, des éléments qu’on peut récupérer et remettre en circulation pour d’autres appareils. Des acteurs tels que Terra Nova Développement ont fait de ce recyclage une spécialité et permettent aux métaux stratégiques de bénéficier d’une seconde vie.
La crise du COVID et la crise logistique qui a suivi a permis de mettre en lumière la très forte dépendance de pays face à ces géants dominants. Mettre tous les oeufs dans un même panier est un pari risqué, un risque que les dernières années ont su mettre en exergue avec les énormes pénuries de matières premières qui avaient poussé, entre autres, des constructeurs automobiles à revenir sur des modèles plus “retro” d’un point de vue technologique.
Sécuriser l’approvisionnement de métaux stratégiques est désormais un sujet très sérieux. Un sujet que la France et l’UE ont bien saisi et comptent résoudre sur les prochaines années car le futur industriel proche risque d’être une course, voire une guerre, aux métaux stratégiques et à l’énergie.