Grandeur et décadence pour le nickel ?

Métal utilisé pour produire, entre autres, des aciers inoxydables, le nickel est très prisé des industriels qui l’utilisent dans de très nombreuses applications. Or, les cours du nickel se trouvent particulièrement bousculés depuis quelques semaines, notamment en Indonésie et en Australie.

Le nickel est en crise, voici ce que l’on peut lire depuis quelque temps déjà dans les médias australiens. Le secteur minier du pays est en proie à de très grandes difficultés qui ont obligé l'État à intervenir via des mesures d’urgence, dont en particulier l’ajout du nickel sur la liste des métaux stratégiques afin de débloquer plusieurs milliards d’aide et garder le secteur à flots.

Contrairement à certains autres métaux précieux et rares, dont la pénurie entraîne une mise en danger des sociétés concernées, ici c’est un phénomène inverse qui se produit, avec une production devenue excédentaire qui a entraîné une chute de valeur de près de 40%.

L’Indonésie a été le patient 0 de cette crise : de nombreux producteurs à faibles coûts ont dépassé leur demande tandis que le pays voyait ici un âge d’or se profiler pour son secteur minier. Faisant fi de la loi de l’offre et de la demande, Djakarta a augmenté les stocks mondiaux et fait baisser la valeur du métal, dessinant une crise sans précédent sur le plan mondial.


Une surproduction justifiée ?

Si les Indonésiens ont surproduit, c’est aussi parce qu’ils sont parmi les plus gros producteurs de ce métal devenu très apprécié de l’industrie automobile électrique. Elon Musk, le patron de Tesla, ne jurait que par le nickel depuis 2020 et promettait monts et merveilles à ceux qui lui fourniraient du nickel propre pour ses usines.

Même son de cloche en Russie, qui produit elle aussi énormément de nickel. Elle aussi a participé à faire grimper les cours au moment du conflit en Ukraine quand les approvisionnements ont commencé à se complexifier.

Pour l’Indonésie c’était donc l’heure de gloire tant attendue pour son secteur minier et elle a mis les bouchées doubles pour répondre à une future demande tout en étant le plus compétitif possible. Une surproductivité qui n’aura pas été sans rencontrer des écueils avec, tout spécialement, des normes de sécurité mises de côté et provoquant, par exemple, une série de grèves suite à un incendie ayant causé la mort de 18 personnes dans une usine. Avec cette chute des cours du métal née d’une offre très supérieure à la demande, c’est tout le secteur minier indonésien qui est en péril. Et cela crée un effet domino sur d’autres pays extracteurs de nickel.


Des conséquences lourdes

La chute inexorable du cours du nickel a eu son lot de conséquences du côté des Indonésiens, mais aussi par corollaire du côté australien comme nous l’évoquions ci-dessus. Des mines australiennes ont fermé, provoquant plusieurs milliers de pertes d'emploi. Compte tenu de l’excédent de stock, les spécialistes considèrent que les prix vont rester bas encore plusieurs années le temps que l’équilibre de l’offre et la demande se rétablisse.

Malgré les mesures engagées par le gouvernement, les experts s’accordent au pessimisme sur l’avenir du secteur et les fermetures des mines semblent inévitables. La concurrence indonésienne aura eu raison des “Aussies” qui peinent à s’affirmer face à des exploitations minières usant de main d'œuvre peu coûteuse et aux normes de sécurité quasi inexistantes.

Personne ne s’attendait à ce que les Indonésiens produisent autant, se tirant une balle dans le pied par la même occasion, et entraînant les autres dans leur chute dont le secteur minier de la Nouvelle Calédonie que l’État essaye de sauver par tous les moyens, ce que nous avions analysé lors d’un précédent article il y a quelques semaines.


Pourquoi un tel déséquilibre ?

Si l’Indonésie a produit autant c’est avant tout parce que le secteur des véhicules électriques était supposé exploser et donc générer une demande en nickel très forte. Or, les ventes de véhicules reculent, une baisse de 14% a été enregistrée malgré un dynamisme encore présent. Les constructeurs s’attendent à une croissance moins forte que prévu en 2024..

Une des raisons principales de cette baisse de croissance reste le prix des véhicules 100% électriques encore peu abordables pour de nombreux automobilistes qui continuent à favoriser le thermique ou l’hybride. Des constructeurs comme Kia proposent d’ailleurs leurs véhicules en 3 versions, hybride, hybride rechargeable et 100% électrique. Cette dernière version dispose de toutes les options “premium” pour un prix plus élevé. Une tendance suivie par de nombreux constructeurs qui rendent ainsi l’accès à l’électrique difficile et, ce, malgré des subventions importantes accordées lors de l’achat de ce type de véhicules.

Autre explication de cette baisse : l’augmentation des prix, dont celui de l’énergie, qui ralenti la transition au moment où le prix du pétrole baisse. Un déséquilibre surprenant qui favorise encore les moteurs thermiques bien qu’en théorie leurs jours soient comptés. Enfin, les automobilistes favorisent l’hybride en raison du faible nombre d’équipements de recharge à disposition pour eux. Une demande supérieure à l’offre qui fait craindre à beaucoup la panne sèche lors de longs déplacements, favorisant donc encore une fois les modèles hybrides.

Les constructeurs ont donc ralenti leur production, voire mis en stand-by certaines unités de production pour reprendre leurs modèles thermiques en plus grandes quantités afin de répondre à la demande. Du côté des prévisions, c’est également la douche froide avec par exemple une estimation américaine de 67% de véhicules 100% électrique en 2030 alors qu’à ce jour, on ne compte que 7% de ces véhicules dans tout le parc automobile outre-Atlantique.

Enfin, certains véhicules électriques n’utilisent pas de nickel. Le constructeur BYD, premier constructeur mondial de véhicules électriques n’a en effet pas besoin de nickel pour les batteries de ses véhicules, une évolution technique qui n’arrange pas les affaires du secteur minier déjà en proie à de très nombreuses difficultés sur d’autres métaux.

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