Qu’appelle-t-on « les terres rares » ?
Les actualités liées aux métaux parlent régulièrement de terres rares et de métaux stratégiques. Si les métaux stratégiques ont été plusieurs fois abordés dans nos pages blog et actualités, la question des terres rares, quant à elle, n’a jamais été posée. L’occasion pour nous de développer le sujet et ainsi comprendre ce qui se cache derrière cette appellation de “terres rares”.
Les terres rares, c’est pas si rare !
Au premier abord, le nom évoque des composants peu répandus sur le globe tels que le miassite ou le palladium. Il s’agit en réalité d’une appellation liée au fait que ces métaux, au nombre de 17*, se trouvent dans des minerais relativement très répandus sur la planète, mais dont l’extraction nécessite un processus complexe, dont la France est l’un des pionniers d’ailleurs.
Bien que ces terres rares existent en grande quantité, elles n’en sont pas moins très inégalement répandues géographiquement. L’essentiel des réserves mondiales se trouve dans la bastnäsite (USA et Chine principalement) et la monazite (Vietnam, Australie, Brésil, Chine, Inde, Malaisie et Afrique du Sud). Cette répartition crée donc des dépendances pour de nombreux pays qui utilisent ces terres rares pour leurs industries.
Ces terres rares sont utilisées dans la composition des micro-ondes, des batteries, des pots d’échappements, des aimants, des lunettes de soudure, des téléviseurs, des instruments lasers, dans le nucléaire ou encore dans les raffineries. On vante notamment leurs propriétés magnétiques exceptionnelles et les métaux les plus lourds sont utilisés pour repousser le point de température où les aimants perdent leur magnétisme.
Un enjeu économique ?
Tout comme le cas des métaux stratégiques, ces terres rares sont rapidement devenues une force pour les pays disposant de gisements de minéraux contenant ces métaux. La Chine, notamment, considérée comme l’usine du monde, s’est très vite imposée comme leader jusqu’en 2011 où les prix ont flambé. Cette augmentation importante des tarifs à l’époque a motivé de les autres pays à la relance de l’exploitation de leurs gisements. A titre d’exemple du développement de l’utilisation de ces éléments, la Chine en exportait aux alentours de 70 000 tonnes en 2003 contre 12 000 tonnes en 2012.
A ce jour, la Chine reste le leader du marché. Mais les USA ont depuis peu, sous l’administration Trump, relancé leur industrie pour atteindre une part de marché globale avoisinant les 15%. La position souveraine de la Chine a poussé une grande partie des pays occidentaux, en sus des USA, à viser l'indépendance stratégique, comme c’est le cas au Canada et en Australie.
Du côté européen, la Scandinavie et le Groenland ont détecté plusieurs gisements prometteurs. La France, de son côté, peut compter surtout sur des gisements localisés dans les DOM TOM mais également en Bretagne. Plus récemment encore, l’un des plus gros gisements pourrait avoir été découvert en Norvège, au cœur même d’un ancien volcan. Beaucoup plus à l’Est cette fois, c’est le Japon qui a récemment mis au jour un gisement de 230 millions de tonnes.
Une aubaine pour l’UE ?
Si l’UE n’est pas en reste en matière d’investissements dans l’exploitation de ses gisements, elle fait face à quelques obstacles.
Tout d’abord, il faut comprendre que la mise en exploitation d’une mine nécessite plusieurs années de préparation avant sa mise en route, tant pour des raisons techniques qu’administratives. En outre, il y a l’acceptation sociale de toute nouvelle exploitation, notamment le rapport à la question écologique, qui s’invite au cœur des discussions. En effet, le paradoxe des énergies vertes est que, ne serait que pour créer les outils fonctionnant à l'électricité, il faut utiliser certains métaux rares et/ou stratégiques dont l’exploitation est très polluante.
L’UE reste volontaire à s’affranchir des leaders mondiaux comme la Chine et elle a notamment créé un règlement européen fixant des objectifs de production, de raffinage mais aussi de recyclage. Mais, entre les anciennes exploitations stoppées puis délocalisées qui peinent à être relancées en respectant les normes en vigueur et les nouvelles exploitations dont le calendrier de démarrage ne colle pas avec les objectifs écologiques et économiques, parvenir à réduire la dépendance de la Chine reste un défi très difficile à relever.
Parler d’aubaine pour l’UE reste donc à ce stade de la science-fiction, surtout quand on sait que la Chine dispose de lois beaucoup moins contraignantes et peut donc démarrer de nouvelles exploitations beaucoup plus rapidement que ses concurrents.
Tout aussi importants que les métaux stratégiques, les terres rares sont donc des éléments primordiaux pour les pays qui souhaitent ne plus dépendre du quasi-monopole chinois et de la fluctuation des prix imposée par un fournisseur unique. Les Américains pourraient parvenir à tirer leur épingle du jeu, notamment grâce à leurs accords récents avec des partenaires vietnamiens (le Vietnam détient près de 20% des ressources en terres rares !), et leurs lois sont plus souples que sur le vieux continent, ce qui peut définitivement jouer en leur faveur pour la suite, surtout avec la rivalité stratégique qui se renforce entre les USA et la Chine pour le contrôle des ressources.
*Lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium, sandium et enfin yttrium.