La guerre des corridors est déclarée
Nul doute que les routes de la soie nous sont familières. De même que l’ensemble des stratégies géopolitiques pour en dominer les points névralgiques tant en Europe qu’au Moyen Orient ou sur le continent asiatique. En parallèle à ces tensions géostratégiques, une véritable bataille s’est engagée, en particulier en Afrique, pour le contrôle des corridors d’approvisionnement des minerais stratégiques.
Longtemps sous influence européenne, l’Afrique s’est progressivement tournée vers la Chine pour l’aide à son développement. Diverses raisons, qu’elles soient historiques, stratégiques ou politiques, ont poussé le continent africain à regarder vers l’est, une stratégie payante pour la Chine qui parvient ainsi à maîtriser un peu plus encore certains marchés comme celui des minerais stratégiques.
Parmi les pays dans le viseur du géant chinois il y a la République Démocratique du Congo, l’un des plus grands pourvoyeurs de coltan, de cuivre ou encore de manganèse. Outre le fait que les enjeux économiques portent directement sur les exploitations minières, leurs voies d’exportations sont aussi un sujet de tensions majeur.
Pour exporter les minerais, il faut pouvoir atteindre les côtes. Or, pour la RDC, pays enclavé par excellence, les plus proches sont celles situées en Angola. Et c’est une voie ferroviaire partant de la région de Lubumbashi jusqu’au port de Lobito qui est actuellement en cours de rénovation côté angolais, par l’État chinois, avec un budget de près de 2 milliards d’euros pour 1 300 km de rails. Un énorme gain de temps par rapport au trajet habituel des matières premières qui se fait en camion jusqu’à Durban.
Une rame de train peut accueillir jusqu’à 1 200 tonnes de chargement. L’option ferroviaire est largement plus efficace que l’option routière où, pour un tonnage équivalent, il faut engager une trentaine de camions avec toutes les contraintes humaines et administratives que cela implique. A ce jour, on assiste à des files d’attente de près de 50 km de long aux frontières, avec parfois des journées entières pendant lesquelles les camions ne parcourent même pas un kilomètre. Le train reste donc une solution parfaite : rapide et efficace.
Malgré l’engagement financier de la Chine sur ce corridor, le contrat d’exploitation a été confié au trader suisse Trafigura chargé de mener le consortium. Il en résulte une exploitation majoritairement tournée du côté occidental avec les USA et l’UE qui se sont engagés à rénover la partie congolaise de la ligne ferroviaire. La Chine peut bien sûr exploiter ce corridor, mais elle reste mise en retrait par le nouvel exploitant helvète.
Après ce camouflet, la Chine a décidé de réagir en réactivant un autre corridor jusque-là abandonné : la ligne Tazara, une ligne entre la Tanzanie et la Zambie, avec une promesse de rénovation complète du tronçon pour un budget d’un milliard d’euros. Une aubaine puisqu’en ayant une ouverture sur la côte orientale africaine, cela facilitera le trafic vers le marché chinois.
Au final, cette bataille géostratégique et géopolitique accouchera, en théorie, de deux lignes distinctes, l’une exploitée par l’Occident sur le flanc occidental, et l’autre exploitée par la Chine sur le flanc oriental. Reste à savoir ensuite qui, de la Chine ou de l’Occident, remportera la bataille sur les volumes de transit de minerais stratégiques, sachant que la Chine domine le marché et est, actuellement, très bien vue par les pays africains, souvent las, pour des raisons variées, des partenariats avec l’Occident.